Lavoir et bains de la place du Bastard à Remiremont (sources : AD88 - 2O401/14)
1. Construction (1851-1855)
Le réservoir du Batard destiné à l’alimentation des pompes à incendie, est attesté dès 1838, lors de la réparation du lavoir de la courtine, non loin.
En juin 1851 le conseil municipal décide la construction d'un établissement d’un lavoir et d’une buanderie publique et d’un logement de gardien, sur la place Batardeau, en remplacement du lavoir de la courtine, qui est en bois, dont la toiture est écroulée et qui doit être changé d’endroit car il est trop étroit.
Selon les plans et devis dressés par Charles Perron, architecte à Remiremont, le projet débutera par la construction d'une partie centrale puis des ailes dans un second temps faute de moyens suffisants.
Pour réaliser le projet, il est nécessaire que la ville acquiert quelques terrains pour agrandir la place (Cf : plan de situation du lavoir à construire dressé par Charles Perron, le 20 10 1851)lavoir - établissement de bains du Bastard à Remiremont, plan de situation dressé par Charles Perron (architecte) le 20 octobre 1851.
Le 19 août 1851, les travaux du corps central sont attribués à Antoine Pierre, Nicolas Etienne Defranoux et Louis Schveikofer, entrepreneurs à Remiremont, Macron entrepreneur à Bains, et Jean-Nicolas Didier entrepreneur à Epinal pour 24 389,55frcs.
En décembre 1852, le bâtiment central est achevé et les deux bâtiments latéraux (bains et buanderie) sont prévus.
La lettre du Ministère de l’Intérieur au préfet datant du 11 janvier 1853, l'avis favorable donné à la demande de subvention pour la création d’un établissement modèle de Bains et Lavoirs publics à la commission spéciale nommée en vertu de l’article 2 de la loi du 3 février 1851 : Elle accorde une subvention d’un 1/3 des dépenses totales évaluées à 52000 francs, soit une subvention de 17000frcs. Cette somme sera allouée en 3 fois à mesure de l’avancement des travaux, conformément à la circulaire n°22 du 30 avril 1852. Elle précise que les travaux devront être achevés avant le 1 janvier 1854, car la subvention a été prise sur le budget 1852, reporté en 1853.
Cette lettre valide également les prix d'utilisation de l'établissement, mais précise qu'ils doivent être à l’essai, et qu'il serait contraire aux vues du Gouvernement de les augmenter :
- Cuvier pour lessive sans combustible : 50c
- Combustible fourni par la ville : 1,50 frcs
- Case de savonnage par journée : 20c ; ½ journée et moins : 10c
- Séchoir à chaud pendant une heure pour la quantité de linge lavé par une seule femme dans une demi journée : 10c
- Bain d’une heure au plus, sans linge : 20c
- Bain d’une heure au plus, avec linge : 30c
A la lecture des instructions concernant les bains et lavoirs publics, données par la Commission instituée par ordre du Prince Président de la République dépendant du Ministère de l'Intérieur, de l'Agriculture et du Commerce en 1852, il s’avère que le projet du lavoir du Bastard s’insère parfaitement dans l'esprit et les recommandations édictés, révélant l'ambition et la modernité de l'équipement de Remiremont (document conservé à la Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, V-2126, consulté en ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54292942).
Le 16 avril 1853, les travaux des deux pavillons latéraux pour la buanderie, les bains publics et les clôtures d’aisances dépendant des lavoirs et bains sont attribués à Constant Colin, Léon Barbe, entrepreneurs à Remiremont et François Fleurot, entrepreneur au Val d’Ajol, pour 24 286,50 francs.
L'achèvement de la construction est attestée le 10 10 1854. Le compte de réception des travaux s’élève à 56 179,89 francs, contre un devis à 52 000 francs :
1e partie : lavoir : 22 124,49 frcs
2e partie : Buanderie : 12 489,92 frcs
3e partie : Bains, 6 cabinets, logement du gardien : 15 855,21 frcs
4e partie : Dépendances : 1 637,20 frcs
5e partie : Matériel de bains et lavoir : 1086,29 frcs
En conséquence de la fin des travaux, une lettre du Ministère de l’Intérieur au préfet du 24 octobre 1854 valide le versement du 3e et dernier à compte sur la subvention de 17000 francs accordée à la ville, soit 5500 francs, pris sur le crédit ouvert sur l’exercice 1854 par le décret du 31 aout 1854 pour encourager la construction des bains et lavoirs publics.
2. Les premières années de fonctionnement (1855-1878)
En raison de l'attribution de la subvention, le sous-préfet effectue régulièrement (entre 1856 et 1860) un rapport sur le fonctionnement des lavoirs et bains du BastarEvolution des entrées aux bains du Bastard à Remiremont, entre la mise en service (mai 1855) et la cession en 1878 (sources : AD88 - 2O401/14).
Il précise en 1856 que le lavoir à eau courante se divise en 18 bassins de 4 mètres de surface chacun, presque continuellement occupé par des lavandières pour laver le linge des particuliers depuis l’ouverture.
Il mentionne également : "Les appareils à vapeur de la buanderie proviennent des ateliers de Laurent Thierry, constructeur à Nancy, qui sont généralement recommandés dans les hôpitaux et établissements militaires connus. La buanderie n’a pas reçu un bon accueil dans la population, malgré les sacrifices qu’a du faire l’administration municipale pour décider le public à employer ce mode de lessivage et user des appareils, même à titre gratuit. Il est venu peu de monde. Les lavandières sont peu disposées à sortir du mode de la routine usitée, même s’il nécessite pour elles plus de tension et de bras que le nouveau mode. Elles orientent la population contre ce qu’elles appellent « un système auquel personne de connaît rien »"
Les bains, livrés aux publics en mai 1855, lui semblent très prometteurs. Il rapporte que le docteur Zeller, médecin attaché aux bains, en est satisfait, et a facilité l’entrée gratuite pour les malades indigents. L’établissement sera certainement dépassé quand la population aura compris l’intérêt de ces bains. Dans la ville, bien des maisons sont munies de cabinets de bains et l’été, l’eau de la Moselle est belle et offre un agréable moyen de se baigner.
En 1858, le sous-préfet affirme que l’établissement de lavoir et de bains continue à être avantageux : "Les lavoirs sont constamment occupés par 36 lavandières", mais "La buanderie reste sous employée" :
En effet, la municipalité a accordé son utilisation gratuite en 1856 pour faire connaître le principe de lessivage à la vapeur, avec la fourniture de la soude (82 usages sur l'année). Rétablissant le droit d'entrée en 1857, seuls 12 usages ont été relevés. "Les habitants trouvent plus commode et moins dispendieux de lessiver leur linge chez eux. Ils ont presque tous des cendriers à bois, qui les dispense d’acheter de la soude.
La personne chargée de couler la lessive en profite aussi pour nettoyer les ustensiles de ménage pendant le lessivage."
Les bains continuent de prospérer en 1860. Toutefois, malgré ces bons résultats, beaucoup d’indigents ne viennent pas encore aux bains. Le sous-préfet suggère donc la réalisation des modifications :
- augmenter le nombre de baignoires,
- donner aux baignoires existantes une inclinaison permettant de les vider plus facilement
- substituer à l’écoulement une soupape, pour les baignoires des classes payantes, afin d'adapter un système de robinets qui permette de renouveler l’eau à volonté.
Il confirme également que "la buanderie est très rarement utilisée car les habitants trouvent plus d’économie à lessiver leur linge chez eux au moyen de centre de bois, qu’ils ont aisément à disposition".
3. Exploitation privée des bains et lavoirs du Bastard (1878 - 1903)
En 1878, la commission des Bains publics de Remiremont établit un rapport sur le fonctionnement des Bains publics du Bâtard : "La ville donne en moyenne 60 stères de bois pour le chauffage, soit une dépense de 600 frcs Sur les années 1871 à 74 : 1628 bains payants en moyenne (20c) et 88 bains gratuits en moyenne, pour un produit de 325,60frcs. Soit un déficit annuel moyen de 274frcs."
La commission des Bains publics propose donc de supprimer l’établissement du Bâtard et de conclure avec Thomas du tissage de la Mouline, un traité avec les engagements suivants :
- bail à 5, 10 ou 15 ans
- Thomas s’engage à maintenir 6 baignoires à disposition des indigents, tous les jours du 1er mai au 1e septembre, et 2 jours par semaine le reste de l’année, et 1 baignoire pour des bains sulfureux.
- Il y aurait 2 classes d’indigents, dont les certificats seront délivrés par la mairie :
- 1ere classe : payant 20c pour un bain d’1 heure, sans linge, et 30c avec 2 serviettes
- 2e classe : gratuit avec 2 serviettes, dans la limite de 88 personnes par an.
- Thomas s’engage à restituer en bon état ces 6 baignoires (étamées à neuf) à l’issue du bail
- Thomas s’engage à installer des appareils à douches dans son établissement de la Mouline
La commission autorise le maintien de la chaudière qui sert à chauffée l’eau des bains du Bâtard. Elle peut être mise à la disposition des laveuses, qui jusque là étaient obligées de transporter de l’eau chaude depuis chez elles.
4. Création de la piscine et gestion Société des Bains et Lavoirs économiques de Paris (1903-1920)
En septembre 1903, le conseil municipal approuve le projet d’Établissement de bains et lavoir selon proposition de la Société des Bains et Lavoirs économiques de Paris (siège social : 14 rue de Grammont à Paris),
qui comprend :
- une vaste piscine de natation
- des cabines de bains ordinaires et de luxe
- un lavoir à vapeur public avec stalles gratuites et payantes
La ville accorde une subvention de 3 500 francs par an, pour les usagers à prix réduits et gratuits : la population scolaire sera reçue gratuitement : 1 bain par mois et par enfants), afin que les écoliers puissent prendre un bain et apprendre la natation. De plus, les bains dans la piscine des écoliers leur donneront l’habitude de fréquenter l’établissement et donneront l’exemple aux familles.
La commune prête le bâtiment du Bâstard et l’emplacement du bassin réservoir situé devant qui sera transformé en square. Elle autorise aussi la société a récupéré les eaux chaudes, propres et saines, provenant de la condensation des machines à vapeurs appartenant à des usines particulières ; charge à la société de canaliser les eaux sous la voir publique.
Les travaux prévoient :
- une grande piscine à eau tempérée qui sera entourée de 30 cabines déshabilloirs.
- un service de bains en baignoires : 9 cabines de bains avec une baignoire en fonte émaillée, dont une est dite de luxe avec :
- une baignoire en fonte émaillée
- 1 cuvette lavabo en faïence
- 1 bain de pied en fonte émaillée
- 1 douche verticale en pluie
- 1 douche horizontale à jets d’eau pulvérisée
- le lavoir à service rapide et économique
- avec désinfection du linge pour éviter la propagation des maladies contagieuses.
- 8 places séparées pour les laveuses avec chacune un robinet d’eau froide
- la mise à disposition payante de 2 lessiveuses, un tambour à laver, une essoreuse, et un séchoir à air chaud.
La Société des Bains et Lavoirs économiques de Paris propose les tarifs suivant :
- Bain douche lavabo, avec bain de pieds, savon et serviettes : 20c
- Bain en baignoire avec serviette : 30c
- Bain en baignoire de luxe avec 2 serviettes : 60c
- Bain de piscine avec serviette et caleçon : 30c
- Bain de piscine pour les enfants, les militaires et employés d’administration avec serviette et caleçon : 20c
La durée d'un bain est fixée à 30min en baignoire et 1h en piscine.
2 jours par semaine la piscine pourra être exploitée en double tarif pour des bains de luxe
- occupation d’une stalle du lavoir par une laveuse pendant 1h avec un seau d’eau bouillante ou de lessive, et eau froide à volonté : 0,10c. Chaque seau supplémentaire est à 0,05c. L'utilisation de l’essoreuse et
du séchoir à aire chaud produisant la désinfection à haute température est alors gratuite.
- lavoir à eau froide gratuit
5. Gestion municipale des bains et lavoirs du Bastard (1920- ?)
Suite à la mise en liquidation judiciaire de la société des Bains et lavoirs municipaux qui était concessionnaire de l’établissement de la place du Bâtard, l’établissement est remis à la ville sans soulte ou réserve au
début de l'année 1920. Les bâtiments ont alors besoin de réparations : les cabines, les bains-douches et surtout le remplacement de la chaudière qui n’est plus réparable. D'autant plus que la Société Cotonnière des Vosges n’est plus en mesure de fournir l’eau chaude de condensation de l’ancienne machine à vapeur, qui permettait de fournir de l’eau chaude pour la piscine. Elle vient de remplacer cette machine à vapeur du Tissage de la Mouline par une installation à forme motrice électrique.
L’établissement municipal de Bains est toujours ouvert en 1934.
Le bâtiment est détruit vers 1975, et libère une place pour le stationnement et le marché hebdomadaire.